Les Peuls, population estimée à près de 40 millions en Afrique, sont historiquement des bergers nomades pratiquant la transhumance. Depuis des siècles, ces pasteurs se déplacent selon les besoins de leurs troupeaux, au gré ses pâturages et des points d’eau.
Entre nomadisme et sédentarisation
Au Bénin, une partie des Peuls, initialement nomades, s’est progressivement sédentarisée. Ils représentent aujourd’hui environ 7 % de la population, bien que les données précises soient rares en raison d’un faible taux d’enregistrement des naissances.
Dans le nord-est du pays, les Peuls du village de Yoroukou sont venus du Nigeria il y a plus d’un siècle et se sont installés à proximité de la ville de Kandi. Ceux du campement d’Alfakoara, pour leur part, ont migré depuis la frontière entre le Burkina Faso et le Niger. Après plusieurs déplacements, ils ont élu domicile, il y a 70 ans, dans une zone proche du Parc National du W, aujourd’hui menacée par l’avancée des groupes djihadistes en provenance du Sahel.
Défis climatiques et économiques
Le nord du Bénin subit régulièrement des sécheresses hydrologiques, caractérisées par un manque d’eau dû à des saisons sèches prolongées. À Yoroukou, Bio Adam, berger de 37 ans, a perdu trois vaches en 2023 faute de ressources en eau.
« Nous peinons à trouver des pâturages et des points d’eau. Autrefois, même en saison sèche, nous parvenions à abreuver nos bêtes, » explique-t-il.
Les relations entre Peuls et cultivateurs locaux, historiquement fragiles en raison des dégâts causés par les troupeaux sur les terres agricoles, se sont aggravées avec la sédentarisation des éleveurs. Ces derniers pratiquent désormais eux aussi l’agriculture, ce qui intensifie la compétition pour les terres. L’absence de législation claire sur le foncier engendre des conflits récurrents.
De plus, les Peuls étant faiblement représentés au sein de l’État, ils peinent à faire valoir leurs droits et défendre leurs intérêts.
Au Bénin, les Peuls font face à une stigmatisation grandissante, les associant souvent à des activités terroristes.
« Certains nous accusent d’être des djihadistes. On nous arrête, et parfois on nous envoie à Porto-Novo pour être jugés à la CIRET [Cour de répression des infractions économiques et terroristes], » déplore Belko Adam, agro-pasteur de 57 ans.
Cette marginalisation est exploitée par les groupes armés opérant au Sahel depuis la fin des années 2000, qui cherchent à recruter parmi ces communautés exclues. Cependant, les Peuls ne sont pas épargnés par les vols de bétail et les tueries. Depuis 2021, plusieurs villages au Bénin, dont certains peuplés de Peuls, ont été attaqués par des groupes armés, franchissant les frontières poreuses des parcs nationaux pour étendre leur influence jusqu’au Golfe de Guinée.
L’éducation, un levier d’intégration
Depuis 1984, les enfants peuls peuvent accéder à l’école au Bénin. Cependant, selon l’association « Puulaku Bénin », moins de 2 % d’entre eux sont alphabétisés. Cette situation s’explique par l’incompatibilité entre la scolarisation et leur mode de vie pastoral, qui mobilise les enfants dès leur plus jeune âge. Pourtant, l’éducation s’avère essentielle pour leur intégration sociale et politique.
Gouda Mekire, un Peul francophone, souligne que l’alphabétisation, couplée à des campagnes de sensibilisation, contribue à réduire les pratiques traditionnelles telles que l’excision, les mariages précoces et forcés, ainsi que le taux de natalité.
Les statistiques révèlent qu’une femme peule a en moyenne 10 enfants, soit plus du double de la moyenne nationale.